

La nuit venue le train se mit en marche. Nous avons couru longtemps
dans le noir, traversant sans nous arrêter des gares endormies,
à peine visibles à la morne lueur d'un fanal vite
disparu. On s'arrête après une heure de course :
le train fait des manuvres mystérieuses ; il change
deux ou trois fois de voie, il part il s'arrête, il repart.
Que signifie tout cela ?
Nous avons tôt fait de nous apercevoir de ces manuvres.
" Nous revenons sur Bordeaux, nous dit un de nos observateurs.
"
En effet ; une heure après nous rentrons à nouveau
dans la gare de départ.Puis le silence et le pas des sentinelles
sur le quai.
Le 4 juillet au matin vers 7 heures, nous avons abandonné
la gare de Bordeaux encore une fois et marché vers le nord
en direction d'Angoulême. Vers 10 heures du matin, nous
étions arrivés dans la petite gare de Parcoul-Médillac.
Là le train s'était arrêté après
avoir manuvré pour rentrer dans une voie morte ;
nous y avons passé presque toute la journée.
Vers 4heures de l'après- midi, nous entendîmes un
bruit sourd dans le ciel vers l'ouest. Presque tout de suite cinq
appareils de chasse apparurent.
Francesco F NITTI le 25 Avril 1945
La gare de Parcoul-Médillac
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Les Allemands couraient en direction des couverts les plus proches, et mettaient des armes automatiques en batterie face aux wagons. Le bruit strident d'un avion qui piquait, suivi d'une longue rafale, a déchiré l'air. Les prisonniers se sont entassés le long des parois. Je me suis glissé prés d'une fenêtre, ou un garçon nommé Lévy préparait par un assemblage de tissus choisis parmi nos hardes, une oriflamme tricolore. Dans le ciel, j'ai aperçu, tout de suite après une longue rafale, un chasseur double fuselage (Lockeed P38 ligthning) qui virevoltait avec la brusquerie incohérente d'un grand insecte. Il était déjà haut dans le ciel quand un autre appareil a plongé à son tour vers les voies accompagné du crépitement de ses mitrailleuses. Les passages se suivaient de façon continue, tellement étaient rapides leurs ressources. C'était une ronde qui prenait le train en enfilade, secouant l'air du vacarme des rafales et des hurlements des moteurs poussés à fond. Je ne me suis pas rendu compte si les Allemands tiraient. Lévy agitait son oriflamme à travers les barreaux. Le plafond du wagon s'ouvrait en quelques déchirures de bois éclaté. Un blessé gémissait. Je ne sais si les avions ont vus notre signal de détresse, ou s'il se sont trouvés à court de munitions : brusquement, ils ont disparus. Christian De Roquemaurel (voyage au centre de ma vie)
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![]() Ceux de St Michel : Champel et Maconne |
Les Allemands sont revenus ils on faits descendre les blessés
et les morts qu'ils on fait allonger sur le quai et les
autres sont remontés dans les wagons. Des ambulances
sont venues. Il y avait des morts Allemands. Tout le monde
a été évacué sur Angoulême,
les blessés à l'hôpital et les morts
pour y être enterrés. C'est à ce moment
là que trois déportés ont réussi
à sauter d'un wagon, ils ont été rattrapés
par les Allemands et alignés contre le mur de la
gare
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L'avion, à ce que nous apprîmes plus tard, avait,
après les premiers coups tirés par les Allemands,
mitraillé la machine et l'avait, naturellement, mise hors
d'état de servir ; puis il avait mitraillé un des
premiers wagons du convoi qui avait reçu une série
de balles. Un autre Allemand avait été blessé.
Peu après, le docteur Van Dick, un de nos camarades du
camp du Vernet, arrivait. On l'avait extrait de son wagon pour
qu'il puisse soigner les blessés. Nous vîmes transporter
le soldat agonisant. Le docteur Van Dick soigna les Allemands
puis passa devant les wagons " Avez vous des blessés
? demanda-t-il en frappant sur la porte. Si on répondait
par l'affirmative, les feldgendarmes ouvraient le lourd portail
et on évacuait les victimes. Nous vîmes pendant longtemps
un va et vient de gens : cheminots français et allemands,
civils, feldgendarmes prés de la gare. Puis une auto ambulance
arriva qui pris les blessés les plus graves. Nous n'avons
plus rien su de nos camarades évacués ce jour là.
Nous passâmes cette nuit-là à Parcoul ; ce
ne fut que l'après midi du 6 juillet 1944 que nous partîmes
en direction de Coutras ; les ponts et les rails sautaient, des
trains entiers étaient dynamités. La terreur des
Allemands nous réconfortait beaucoup de nos peines ; ces
hommes avaient une peur panique du maquis.
Francesco F NITTI le 25 Avril 1945
![]() ARCAS-JAVIERRE Ramiro
°30/07/1917 Boltana (Huesca).
Témoignage de sa fille
Blanche Arcas-Darbas |
Voie de chemin de fer Bordeaux - Parcoul-Medillac