Lorsqu'aux premières lueurs du jour on nous a apporté cette tisane tiède, froide ou bouillante suivant les arrivées dans ces grands bouteillons nous avons eu la première vision des êtres décharnés, vêtus de haillons, rayés, chaussés de claquettes de bois, qui marchaient en traînant les pieds afin de ne pas les perdre, les épaules voûtées que nous allions nous mêmes devenir bientôt.
Voilà ! Nous étions des " Häftlinge " du Konzentrationlager de DACHAU. Nous allions être non plus des hommes mais des numéros !
Philippe Toureille - FFC n° 147 - septembre 1990
Arrivée des détenus à Dachau
Le camp de Dachau
Liste des détenus arrivés à Dachau :
Zugang am 9.okt.1944
von Saarbruckën |
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Sch Fr | Bouisset | Louis | 12.11.10 | Eram | 114917 |
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A partir de là,
le train s'est mis à rouler beaucoup plus vite et pratiquement
sans arrêt jusqu'en Allemagne. J'ai le souvenir qu'en
arrivant en Allemagne, la Croix-Rouge allemande nous a donné
une soupe chaude. Je crois que c'est à Pont-à-Mousson,
avant Metz, qu'ils m'ont sorti pour me faire faire la corvée
de charbon. Et là j'ai vu les Allemands piller des
pneus de vélos, ils remontaient cela dans le train.
Ensuite on est arrivé à Dachau. C'était
le soir. Ils nous ont sortis du train et nous sommes restés
sur la place d'appel toute la nuit. Le lendemain, avant d'aller
en quarantaine, nous sommes passés par un dentiste
en blouse blanche. Devant les copains, j'ai voulu faire de
l'humour et j'ai dit : là j'ai une dent qui me fait
mal. Ca a été mon premier coup de matraque que
j'ai pris en me disant : ça y est t'es guéri.
Ce n'était pas pour nous soigner, ils regardaient les
dents en or, pour les arracher à notre mort. Ensuite,
on a été en quarantaine, dans une baraque fermée,
entre deux blocs. Nous sommes restés peu de temps mais
on avait rien à faire. Il y avait des Espagnols qui
étaient aussi avec nous. Comme il faisait un peu frais,
on faisait ce qu'on appelait la boule, c'est-à-dire,
que pour se chauffer, on se serrait les uns contre les autres,
puis de temps en temps on changeait : ceux qui étaient
à l'extérieur se mettaient à l'intérieur.
Peu de temps après, ils ont refait un convoi pour Mauthausen,
en Autriche. A Dachau, nous sommes restés 12 jours.
Neuf jours plus tard, on partait pour Melk qui est une dépendance
de Mauthausen, pour nous faire travailler. Là on creusait
des usines souterraines. Ca a été la fuite en
avant car à chaque fois c'était pire. Mauthausen
était un camp catégorie 3, juste avant Auschwitz,
c'est-à-dire qu'on nous a dit à l'arrivée
qu'on ne sortirait pas vivant du camp. Sur les 112 du Train
Fantôme arrivés à Mauthausen, 87 étaient
morts le 5 mai 1945, à la libération du camp.
Récit de France Boudault : passage par le Train Fantôme - 1990 |
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Les Constructions du grand Reich.
Au lendemain de l'armistice, tôt le matin, Hitler visite Paris en compagnie de l'architecte Albert Speer. Le nouveau Berlin doit dépasser toutes les capitales. Hitler signe un décret, signé du 25 juin, proclamant villes du Fûhrer : Berlin, Hambourg, Munich, Linz et le palais des congrés de Nurmberg. Ces constructions exignent pierres et briques.
Le granit est fourni par la Wiener Graben de Mathausen, par les carrrières de Flossenburg et de Natzwiller. Le travail à la carrière est l'un des plus meutriers : l'escalier de Mathausen a tué des républicains espagnols, des résistants français et des juifs, les "parachutistes" poussés du haut de l'escarpemement rocheux. Felipe Martinez décrit la plongée matinale dans l'enfer de la carrière et la lente remontée, le soir, des hommes affamés et fourbus chargés de lourdes pierres. |
Commando de Mathausen - Ebensée |
Affectation de F.Boudaut |
Arrêtée en juin 1944, j'ai été incarcérée au fort du Hâ. Le 9 août j'ai fait partie de la soixantaine de femmes du Train Fantôme. Les femmes de Bordeaux étaient dans le premier wagon derrière la machine, les femmes de Toulouse dans le deuxième C'étaient des wagons à bestiaux. Le 28 août nous sommes arrivées à Dachau où nous avons été immatriculées, nous en sommes reparties 3 jours plus tard. Nous sommes arrivées en pleine nuit à Dachau. Le wagon a été ouvert brutalement par des déportés et par des Allemands bottés, l'air arrogant, avec des chiens. Les quais étaient éclairés comme en plein jour. Les hommes sont partis d'un coté, les femmes d'un autre. Nous avons été parquées dans un coin, une sorte de cantine, isolée du reste du camp. Au bout de trois jours nous avons rembarqué pour un autre camp, Ravensbrück. On nous avait dit que en partant du fort du Hâ nous pensions que ça ne pourrait pas être pire. Arrivées à Fürstenberg, à la gare on nous a débarquées, en pleine nuit. Puis un grand mur très haut, des chevaux de frise, des fils de fer électrifiés, nous sommes entrées : à Ravensbrück. Il faisait nuit, nous sommes restées un long moment là, puis le camp s'est réveillé, des femmes ont commencé à circuler dans le camp, vêtus de rayés. Nous étions ahuries, lorsque nous avons été immatriculées, on s'est retrouvé de l'autre coté : nous n'avions plus rien, ils nous avaient tout pris.
Ginette Vincent " Le train fantôme parti de Bordeaux " - témoignage A.N.C.G Bordeaux
Les bourreaux de Ravensbrück
Travaux exténuants |
Entrée de Ravensbrück |
DACHAU
je n'irai plus ! André FELIX n°93944
° 22-9-1927 déporté par le Train Fantôme
HEIDELBERG, le 13 septembre 1945
Madame,
C'est un devoir bien triste que je viens remplir aujourd'hui puisqu'il s'agit de vous parler de votre fils André FELIX que j'ai connu à la clinique d'AUGSBOURG, alors qu'il était à quelques jours de sa mort.
Il ne m'était pas possible de vous écrire immédiatement parce que je devais attendre que vous soyez prévenue officiellement par le ministère. Il y a plus de deux mois maintenant et je pense que vous avez été avertie de cette terrible nouvelle puisque j'ai fait suivre moi-même les papiers confirmant sa mort au ministère des Prisonniers et Déportés, 11 boulevard Sébastopol à Paris.
Je me trouvais au centre de rapatriement d'AUGSBOURG et j'ai appris par un de mes camarades qui travaillait avec moi à ce Centre Français qu'un jeune petit Français venant de DACHAU était mourant et seul à la Lingenkraukenhaus d'AUGSBOURG. J'eus aussitôt le désir de venir auprès de lui car nous qui avons vu de prés toutes ces misères et détresses morales savons qu'il n'y a pas de plus grand réconfort que celui de venir vers ceux qui souffrent avec le cur grand ouvert. Je me rendis donc auprès de votre fils que je trouvai, déjà très faible, me regardant de ses bons yeux bruns et me disant " comme c'est bon de voir une compatriote qui pense à moi ". Je ne pus pas rester très longtemps auprès de lui le premier jour parce qu'il était trop fatigué, mais je lui promis de venir et de lui rapporter différentes choses qu'il m'avait demandés. Je revins les jours suivants, essayant de lui faire plaisir. Sa plus grande joie était que je lui fasse manger les oranges que je trouvais pour lui car il avait soif. Il pouvait à peine manger. C'est avec beaucoup de difficultés que j'arrivai à lui faire dire son nom et votre adresse car nous savions qu'il ne lui restait que quelques jours à vivre et je pensais à votre cur de maman qui malgré toute la tristesse de ma lettre, aimerait cependant la recevoir. Il n'était malheureusement pas possible de transporter votre fils, même en avion car les docteurs savaient qu'il mourait avant d'arriver. Lorsqu'il arriva à l'hôpital il était déjà trop tard. Les seuls des mots qu'il me disait étaient ceux-ci " les boches, si vous saviez " ou bien il me regardait longuement et disait " DACHAU, je n'irai plus " puis il fermait les yeux. Il souffrait beaucoup et ne pouvait faire un mouvement. La lésion qu'il avait aux poumons était déjà très avancée et il respirait avec beaucoup de peine. La dernière fois que je le vis, il était très agité et me dit qu'il voudrait tellement revoir la France. Il avait très bon cur et voulait toujours que je donne aux autres malades, une partie de ce que je lui apportais. Ils étaient tous des camarades Russes, Polonais, Hongrois, de DACHAU. Lorsque je revins un soir pour le visiter j'appris qu'il venait de mourir dans la nuit (26 juin 1945) plus tôt qu'on ne l'avait pensé. Il fut enterré religieusement au cimetière d'AUGSBOURG, j'assistai à son enterrement avec deux de mes camarades, un docteur Français et un infirmier du centre, voulant rendre à ce petit Français qui avait tellement souffert les derniers honneurs et lui dire jusqu'au dernier moment le merci de la France.
Je ne sais plus exactement le n° de sa tombe mais il est porté sur les papiers qui ont été transmis au ministère.
C'est aussi moi-même le cur bien triste que je vous écris ces lignes car je n'oublierai jamais les instants passés auprès de votre fils et au cours desquels j'ai essayé avec mon cur de femme de l'entourer de toute l'affection dont vous auriez je suis sure aimé l'entourez Soyez certaine, Madame, que j'ai fait tout ce qu'il m'était possible de faire et que les souffrances des derniers jours de votre fils furent bien adoucies parce qu'il me l'a dit lui-même. Je sais que cette lettre sera pour vous pénible mais j'ai pensé que si j'étais à votre place j'aimerais que celle qui à vu mon fils pour la dernière fois, me parle de lui et dise tout ce qu'elle sait de lui. C'est dans ce but que je l'ai fait Madame et je vous prie de me pardonnez si je vous fais de la peine. Si vous désirez m'écrire, vous pourrez toujours le faire à l'adresse indiquée ci-dessous. Veuillez croire Madame en mes sentiments les meilleurs et attristés, vous pouvez je vous assure être fière de la tenue votre fils jusqu'au dernier moment, il fait partie des héros de la France.
Simone THOMAS lieutenant French Mission HQ Seventh Army US
A.P.O 758
Lettre communiquée par Maurice Lafosse son camarade (évadé
du TF Valence) ensembles pris par la gestapo.
Le monstrueux voyage Prés de cent femmes entassées, A travers les plaines hostiles, Voilà le gibier de potence ! Emportez-les ces curs fidèles. F. A. Ravensbrück - 150000 femmes en enfer |