


Si le train a ralenti puis s'est arrêté, c'est en raison d'un plastiquage
du pont de Merrey, réussi quelques jours plus tôt par Noirot et son commando.
Laurent Lutaud et Patricia Di Scala - "Les naufragés et les rescapés du Train Fantôme"
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Quand tout fût prêt, après les recommandations de prudence habituelles, je repris la tête de l'expédition. Nous devions redoubler de méfiance, sachant qu'il y avait des Allemands à Merrey. La petite troupe arriva à pied d'uvre sans histoire et rejoignit Sylvestre et Monsel qui alertés par un grincement de fil de clôture venaient a notre rencontre. Les deux gardiens dormaient à coté du pont, Dédé donna l'ordre à Sylvestre et Pierre Monsel d'emmener les deux bougres qui bafouillaient à moitié réveillés. A deux cent mètres environ ils avaient été ficelés sans avoir demandé aucune explication. Avant de les quitter, Pierre Monsel leur donna les dernières consignes : " demain matin, les Allemands doivent vous trouver immobilisés par les liens, mais si vous bougez, vous aurez de nos nouvelles ". De notre coté, nous avions posés les " pétards " et aussitôt prenions la route du retour. Pierre Monsel s'arrêta à Meuvy pour se reposer. Quant au reste du groupe, il venait de traverser le pont de la Meuse lorsque l'explosion se produisit. Il n'y avait plus qu'à regagner notre lit en toute tranquillité. Maurice Noirot - ancien Résistant
Haute Marne. |
Nous avions des instruments de fortune, des vieux ciseaux, quelques couteaux, une grosse lime à ongles ; toutes ces choses que nous avions pu soustraire aux fouilles successives et à la vigilance de nos gardiens. Nous avions aussi une courte barre de fer qu'un de nos camarades très avisé avait trouvé lors d'une descente de train. Ayant choisi l'emplacement, nous commençâmes à couper les deux extrémités d'une grosse planche à la base des deux parois. Le travail dura plusieurs heures ; nous avions formé des équipes qui se relevaient chaque demi-heure en se passant les ustensiles ; un service de garde était placé prés des fenêtres pour nous avertir de tout ralentissement du train, parce qu'il fallait, en ce cas, suspendre toute activité. En effet toutes les fois que le train s'arrêtait, même pour quelques minutes seulement, les gendarmes se précipitaient en bas de leurs voitures et couraient le long du convoi en inspectant soigneusement toutes les serrures. Si l'arrêt se produisait pendant la nuit, les gendarmes, munis de lampes électriques, se courbaient au-dessous des wagons, en inondant de lumière les rails. C'étaient des hommes de métier, connaissant toutes les ruses des prisonniers, et ils savaient bien qu'une manière de sortir d'un wagon à bestiaux est d'enlever quelques planches ; nous arrêtions donc notre travail toutes les fois que le train s'arrêtait et nous reprenions toutes les fois qu'il se remettait en marche. Parmi notre groupe de camarades décidés
à tenter l'aventure, il y avait un des gendarmes
français, ancien prisonnier du fort du Hâ
; Il s'appelle Barrière et il appartenait à
la brigade d'Ustaritz (Basses-Pyrénées).
Un Bordelais, qui avait été mécanicien
dans les chemins fer (certainement Dureau) nous expliqua,
avec force détails, la manuvre à exécuter
pour descendre. Nous écoutâmes ces conseils
avec une grande attention. En effet, nous avons su, depuis
notre retour, que cinq ou six de nos camarades, parmi
lesquels Hyla, furent trouvés morts, le matin après
notre évasion, la tête et les jambes écrasées
entre les rails. Vers neuf heures et demie, je vis passer la gare de
Lecourt, sur la ligne de Neufchâteau. Le train
marchait lentement ; on montait une côte. Je compris
que l'opération avait commencé ; mon tour
était venu. Les bras de deux camarades me soutinrent,
je me baissai, je me trouvai entre les roues dans un fracas
assourdissant. Machinalement j'exécutai les mouvements
que j'avais fait déjà tellement de fois
dans mon esprit. Je sentis un choc dans les genoux et
je me trouvai tout d'un coup étendu au milieu des
rails, visage contre terre, les bras à coté
du corps. Francesco. F. Nitti |
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Robert Audion - témoignage Veuil le 1er octobre 1990 |
Dans le train, les opérations continuent, Armand Hertz saute à son tour, puis Sewek Michalak et enfin Marc Brafman. Ils viennent de sauter sans se rendre compte que le train s'apprête à pénétrer dans la gare de Merrey. Le convoi s'immobilise, peut être en rase campagne, peut être dans la gare même.A ce moment -là, les trois hommes sont sous le train. Les sentinelles semblent se douter de quelque chose puisqu'elles longent le convoi en hurlant des invectives. Munis de lampes de poches et de barres de fer, les feldgendarmes inspectent le dessous des wagons. Armand Hertz et Sewek Michalak restent suspendus à l'essieu par les poignets. Marc Brafman n'a pas le temps de se cacher. Un feldgendarme le découvre et le fait sortir de sa cachette en le menaçant. Le Polonais, un des hommes de la 35eme brigade FTP MOI de Toulouse, est violemment battu ; il perd connaissance avant d'être jeté dans un wagon. Laurent Lutaud et Patricia Di Scala |
![]() Jean Petit devant la gare de Merrey |
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Alors un rapide conseil de guerre se tient et nous décidons de nous évader. Nous ne sommes qu'un petit groupe à le vouloir fermement. Un certain nombre de camarades n'y tiennent pas n'osant pas le faire ou craignant des représailles, ou n'en n'ayant pas la force. Mais nous tenons bon. Aussitôt nous nous mettons à la besogne. Il s'agit à l'aide du fameux couteau trouvé, de percer la paroi du wagon et d'y pratiquer une ouverture à l'endroit où la barre de fermeture extérieure de la porte s'engage dans son alvéole. Il faut donc la soulever après avoir défait les solides fils de fer qui la rattachent à l'alvéole. Par chance la porte se situe à gauche du wagon dans le sens du train c'est-à-dire qu'en sautant on tomberait sur la terre ferme et non sur d'autres rails . La barre de fermeture est dégagée. Nous la soulevons avec précaution, elle sort de son logement sans difficulté. Enfin nous faisons glisser la porte lentement, sans bruit, elle découpe dans la nuit un rectangle plus clair, plus large au fur et à mesure qu'elle s'ouvre. Et nous commençons à sauter du train, l'un après l'autre, à intervalles différent en fonction de la nature du terrain. Voici mon tour, 6 ou 7 camarades sont déjà partis je saute exactement comme si je plongeais dans l'eau . Je n'ai pas de mal, aucun sauf les paumes qui me brûlent et à plat ventre, aplati, écrasé contre le sol je regarde le train passer. Je ne réalise pas tout de suite que je suis libre. J'entends soudain un juron. C'est un camarade qui a sauté en même temps que moi. Nous nous congratulons et prenons une décision rapide, partir, partir vite nous éloigner de notre point de chute. Après quelques centaines de mètres, nous voyons une borne kilométrique qui indique Chalvraines 4 km Et là dans la ferme de monsieur Etienne Procureur, nous avons été cachés pendant 17 jours. Aprés nous être bien retapés, Mr Procureur nous a mis en contact avec le chef du Maquis de Haute-Marne . Jean Diaz - témoignage 21 septembre 1998 |
Je me trouvais à ce moment curé de Provenchéres-sur-Meuse : le 26août 1944, à 4 heures environ, on frappe au volet de ma chambre, 4ou5 hommes me disent qu'ils se sont évadés d'un train de déportés venant de la région de Toulouse. Ils ont profité du ralentissement dans la côte de Lécourt pour se jeter entre les rails par un trou fait dans le plancher du wagon.
Ils sont affamés et dévorent mes provisions. Certains demandent des habits. Je leur indique ensuite la ferme Damphal, assez isolée. La famille Perrot les accueille. Ils s'installent dans de grosses meules de paille aux alentours de la ferme. Mais un jour, une unité Allemande chargée de traquer les Maquis, cantonnée à Provenchéres, repère les allées et venues de deux de ces évadés. Ces derniers se sauvent l'un est tué. Il est enterré par moi à Lavilleneuve en présence de nombreuses personnes. L'autre blessé à la tête, joue transpercée, dents arrachées est soigné chez la tenancière du café, réquisitionné par le maire. On m'appelle pour lui donner les sacrements. Une voiture à cheval, avec drapeau de la Croix-Rouge, vient le chercher et l'emmène chez Monsieur Bresson, marchand de tissus à Montigny. Il y est soigné et passe ainsi sa convalescence. J'ignore les noms de ces évadés
Abbé René Viry - C M 52 N° 20
La ferme Damphal
Le groupe Damphal
Au matin du 26 août 1944, en allant chercher du bétail, Jules Joly, Henri Liébault, et Joseph Rouyer de Gonnaincourt, découvrent trois évadés sérieusement blessés : Pozetta et Georges souffrent de fractures, Stanislas Slowinski (polonais âgé de 46ans) est plus sérieusement atteint : il a les deux jambes sectionnées et tous les trois nécessitent un transport rapide à l'hôpital de Neufchâteau. Ils sont pris immédiatement, sitôt leur arrivée en charge par le Docteur H Cornu. Stanislas Slowinski décède sur la table d'opération. Quant aux deux autres blessés, après plusieurs mois d'hospitalisation à Neufchâteau, ils peuvent réintégrer leur domicile.
C M N° 32
Un habitant de Bassoncourt recueillit 10 de ces évadés et les conduisit à Cuves en passant à travers bois et sentiers. Sur la route, une jeune fille à bicyclette suivait la marche des évadés car les Allemands étaient partout. Arrivés à Cuves, ils furent conduits au moulin où les attendait une abondante nourriture. Par une autre filière, c'était aussi l'arrivée du Lieutenant-colonel DE PABLO, sujet Espagnol, accompagné de 7 de ses compatriotes. 30 août, ce jour-la, midi sonnait, je m'en allait partager le dîner de nos prisonniers. La bonne humeur régnait. Les prisonniers du Train Fantôme oublièrent vite leurs souffrances et c'est avec humour qu'ils racontaient comment ils avaient trompé leurs gardiens.
Cuves la Chapelle et l'Hermitage
Le Maquis de Pincourt ce jour d'août 1944, je pédalais
sous un soleil brûlant sur la petite route qui longe le
bois et qui conduit à la ferme de Pincourt. Je devinais
les maquisards sous les ombrages, la mitraillette à leur
côté ou le fusil à la main surveillant ce
passage. Mon capitaine m'avait chargé d'un pli à
remettre au chef du maquis. Un jeune homme me regardait venir.
Sur ma demande, il me conduisit à son chef. Dans le petit
bois à proximité de la ferme se trouvaient réunis
250 maquisards, la plupart des jeunes ayant refusé d'obéir
à Hitler. Les Allemands, trompés sur le nombre,
croyaient fermement que ce camp comptait plus de 2000 terroristes,
bien armés, ils n'osèrent pas l'attaquer.
Hélène Descharmes (dit : le petit bonhomme) - "mon village sous l'occupation"
Carte André Labarbe recto-verso, enfin reconnu le 2 dec. 2011 déporté politique, après de nombreuses années de demandes.
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Nous avons rejoint les maquisards de Cuves. Puis nous avons combattu à Andelot, cantonné au château d'Orquevaux avec nos camarades de la compagnie de Leurville. Enfin nous avons aidé les Américains dans le secteur de Saint Blin pour revenir à Andelot. <<Liste de combattants évadés du Train Fantôme communiquée par le Colonel Dappe, sergent chef de groupe à l'époque. Hélène Descharmes - "mon village sous l'occupation" |
Liste de combattants (les évadés du Train Fantôme
sont surlignés)
Hélène Descharmes - "mon village sous l'occupation" |
Jean Petit - Andelot
Mémorial Héléne Descharmes - Chapelle de
Cuves
Lettre SNCF
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![]() Buzzighin présentation |
![]() Audion présentation |
![]() Recueillement monument aux morts. |
![]() Le président Nitti |
Stéle de la gare de Merrey - 08-06 définitive.
Liste maquis
Carte de situation
(avec l'aimable accord de l'Office de Tourisme de la Haute
Meuse en Haute Marne et de la société Actual
plus)