Le 13 août, vers 6 heures du matin, nous arrivons à la gare de Remoulins et nous nous y arrêtons. Ce tout petit coin de Provence est bien laid. Du côté opposé à la gare, quelques collines pelées et tout prés de nous des oliviers rabougris.Dans le fond, relevant un peu le tableau immédiat, les derniers contreforts des Cévennes.
Les soldats ouvrent nos wagons, ce qui nous fait toujours plaisir, car nous avons ainsi plus d'air et de lumière. Nous regardons par la porte et voyons sortir d'un wagon au centre du convoi, plusieurs de nos camarades hommes, portés sur l'herbe, inanimés. Un jeune prêtre s'affaire autour d'eux et leur prodigue ses soins ainsi qu'un médecin espagnol qui, tout le long du voyage, surveillera notre convoi. Nous apprenons que ce wagon a subi des représailles, car c'est de lui que quinze prisonniers se sont évadés. Depuis Toulouse, le wagon est resté entièrement fermé sans aucun ravitaillement et sans eau. Cependant les malaises disparaissent vite au grand air et le lendemain, les malades seront à peu prés rétablis. Vers midi, nous déjeunons, nous avons du pain en abondance car il moisit et va devenir immangeable, pour l'accompagner des boites de 5 kg (deux boites pour le wagon) de marmelade qui fermentera dans quelques jours. Brusquement les soldats ferment les portes, on les interroge, ils nous disent que l'on va sortir un mort et l'emporter. Nous faisons immédiatement silence.Nos portes s'ouvrent de nouveau et j'apprends, consternée, qu'il s'agit de Mr Léon Cigarroa, d'Arcachon.
Les étapes d'une déportée - Le journal d'Arcachon - N° 45 juin 1945 - Marie Bartette
Quelques collines pelées |
Léon Cigarroa 1894-1944 |
Christian de Roquemaurel désignant l'emplacement du train |
Le train s'est arrêté à Remoulins du 13 au 17 août. Cet arrêt a été abominable, c'est la région la plus chaude de France surtout au mois d'août. Le wagon de femmes était juste devant nous. Les femmes sont formidables parce que ça a été la première manifestation de solidarité, car il y en a eu d'autres dans les camps, il a fallu être solidaires pour s'en sortir.Il y a une femme qui nous a dit : s'il y a un malade chez vous, dites-le aux autres, et nous on vous passera un peu de sucre car il nous en reste.Elles souffraient comme nous mais, en plus, elles pensaient à nous aider. France Boudault |
Emplacement du train fantôme
Impacts de mitraillage sur un mur d'enceinte de la gare dans la parallaxe de l'ancienne grue d'eau
Non loin de la gare, la " Villa les Roses " jouxte la voie ferrée. Elle est la propriété de Marie Damiani qui est engagée dans le mouvement de Résistance " Libération ". Dés qu'elle aperçoit les wagons à bestiaux depuis les fenêtres de sa maison, elle se rend aussitôt sur le quai.Elle est repoussée par les gardiens. A grands cris, elle demande à rencontrer l'officier responsable du convoi, exigeant de celui-ci qu'il la laisse ravitailler les détenus. Il lui répond que seule la croix rouge est autorisée à porter des vivres aux prisonniers.Le responsable de la Croix- Rouge locale refuse de la recevoir.C'est un collaborateur notoire.Qu'importe, Marie Damiani décide de se rendre à Nîmes à pied pour y rencontrer le président départemental. Sur place elle obtiendra sans difficulté une lettre du Général Michel, l'autorisant à puiser dans les réserves de la Croix-Rouge pour soulager les déportés.Pendant toute la durée du ravitaillement, elle est surveillée par les Feldgendarmes.
Laurent Lutaud - Patricia Di Scala " Les naufragés et les rescapés du train fantôme " - 2003
Madame Damiani - 1942 |
La gare de Remoulins |
|
Modèle de bloc de signalisation |
Le 17 août, vers 23 heures, le
train s'ébranle à nouveau pour quelques km
parcourus au ralenti. Témoignage oral - Louis Delvaux, recueilli par Mr Silve - 1990 |
Ce même jour, vers midi, Marcel Merles est en train de
faire boire son cheval de trait en contrebas de la voie ferrée
quand il voit débarquer un homme d'une trentaine d'année,
les vêtements en lambeaux, le visage maigre, mal rasé.
L'homme, méfiant, lui demande s'il peut se désaltérer
à la fontaine. Il reste muet hésitant à se
confier. Marcel Merles l'encourage et lui affirme qu'il ne risque
rien puisqu'il est lui même réfractaire au STO.
Marie Damiani le fera monter au maquis de l'Aigoual.
Marcel Merles le reverra une quinzaine de jours après,
à l'avant d'une voiture FFI, les armes à
la main, lors de la libération de Remoulins.
Témoignage oral - Marcel Merles, recueilli par Mr Silve - 1990
Autorisation de la Croix-Rouge de Nîmes, que ma mère
a obtenue le 16aout 1944 après le refus du comité
de Remoulins de ravitailler " les internés civils
" du Train Fantôme.
Pierre Damiani - témoignage du 28 février 2007
Ceux de Saint-Michel, retrouvailles : Robinet, Macone, Nardone |
Stèle (avec erreur : du 13 au 17 août...) |