Francesco F. Nitti
Une liste a été établie pour sauter à
tour de rôle, le premier Ernest Jacob les trois autres :
un instituteur nommé Robert Lacoste, Roger Rothan, et un
infirmier Dufour. Ils ne veulent pas se séparer. C'est
Nodon le responsable pour faire sauter selon le plan établi.
Deux fois, Lacoste et Dufour ne sautent pas, Dufour se plaint
de ne pouvoir passer par le trou du plancher, alors que Lacoste
l'attend. Après Dufour je descends dans l'ouverture. Je
me jette entre les rails, une chute assez rude, quelques bleus,
et le train s'arrête à 30 mètres de moi. Je
vois le wagon plat en queue avec lanterne rouge et les quatre
mitrailleuses jumelées avec leurs serveurs. Il est environ
deux heures du matin, j'attends un peu, puis comme le train ne
repart pas. Je me jette le plus doucement possible, monte sur
le quai, saute la barrière en ciment et descend tout doucement
le talus qui donne sur un chemin de terre. Quand le jour s'est
levé je suis allé demander asile à la première
maison.
C'est Monsieur Malartre, un mécanicien automobile, qui
m'a fait rentrer et manger. Après quelques jours chez lui,
c'est un de ses copains, Monsieur Germain Cambe, qui avait une
entreprise de cars à Roquemaure, qui m'a recueilli, je
suis resté quelques temps chez lui jusqu'à ce qu'arrive
un camion militaire du débarquement, je suis parti avec
eux jusqu'à Annonay et j'ai continué le combat dans
les milices patriotiques.
Raymond Champel - témoignage 1990
Lorsque mon tour arriva, je me livrais à cette opération relativement périlleuse et après m'être aggripé à la barre triangulaire du frein, je me laissais tomber entre les rails. Malheureusement, le convoi s'arrêta à nouveau alors que je me trouvais encore sous le train. Sorti de ma cachette, j'essayais de m'enfuir, mais les Allemands ouvrirent le feu sur moi et je dus m'arrêter. Je fus amené vers un officier Allemand qui me frappa violemment à la tête avec la crosse de son revolver. Je reçus également des coups de crosse de fusil sur le corps et la tête, puis je fus réintégré dans un wagon sans mes souliers.
Jean Miquel - témoignage - Le Patriote N° 298 - 15 sept 1991
Je crois me souvenir que c'est le 18aout
1944 vers midi ; nous étions tous autour de la table, sous
l'arbre, dans la cour, écrasés par la chaleur, lorsque
du portail nous avons vu apparaître un pauvre homme, petit,
épuisé, tout transpirant. Mon père est allé
au devant de lui, lui a parlé, puis nous lui avons donné
de la salade de tomate entre autres, papa lui a monté sur
un manche une vieille bêche, et avec une musette, une casquette
et la bêche sur l'épaule notre visiteur est parti.
Nous lui avons indiqué le chemin du Maquis vers St Victor
la Coste. Ce pauvre malheureux a pris la route tristement, apeuré,
mais aussi réconforté. Il nous a dit être
boulanger à St Béat. Il s'appelait Marcel Dard.
Après son départ, j'ai le souvenir d'être
descendue à Roquemaure en bicyclette, pour retrouver mon
père à sa pharmacie, arrivée vers le pont
du chemin de fer. J'étais embrouillée dans un tas
de fils électriques, de câbles qui tombaient des
pylônes, puisqu'il y avait eu des tirs de D.C.A. sur ce
petit pont bas, à côté de la gare était
stationné un train de marchandise je crois, et le wagon
qui était sur le pont supportait un engin de tir genre
mitrailleuse posé sur trépied comme pour faire des
photos - étant tout à fait néophyte (j'avais
17ans) je n'ai pas bien compris ce qu'était cet appareil,
ce n'est qu'après que j'ai compris et que j'ai fais le
rapprochement avec notre visiteur.
Monique Brun-Buisson Blanc - Témoignage - Roquemaure le 6/02/1992
Baumgarten fait stopper le train qui va manoeuvrer sur 500 m environ, en gare de Roquemaure, les invalides quittent le wagon sanitaire et attendent pendant deux heures une camionnette qui suivra le convoi avec des éclopés. Le train restera là, jusqu'à la libération. Les maigres bagages des déportés resteront et seront pillés.
Rapport Jacquelin - septembre 1944
Seuls les invalides (15 environ) dont je faisais partie, du fait de mon amputation à la jambe gauche, attendirent 3 heures environ qu'un camion bâché vint nous chercher. Un moment avant est passé un prêtre de 30/35 ans qui nous a aidé a monter sur le plateau du camion bâché. Ce camion fut dirigé sur le pont de Roquemaure qui était déjà en très mauvais état. Lors de ma visite des lieux le 20 juillet 1990, j'ai bien reconnu les deux premières piles du pont, du fait que nous sommes restés en attente de passage et que les feldgendarmes avaient soulevé la bâche. JP Serrano, rescapé Dachau N° 94279 - témoignage 1990 |
« Des camions bachés ont stationné la veille au soir sur la place »
Jean BOISSIN 2011
La locomotive 231 G était garée à la sortie
de la tranchée SNCF qui coupe la colline en deux parties,
descente des déportés par le talus " Est "
immédiatement après la locomotive. Rassemblement
sur le chemin de départ en colonnes, ce chemin enjambe
un pont sur un petit canal d'arrosage permettant à certains
chanceux de s'abreuver. Ce chemin sera emprunté jusqu'au
pont du Rhône.
Enquête Charles Teissier - 1990
Locomotive 231 G
Le vendredi 18 août, à huit heures du matin, on nous fit abandonner le train pour opérer un transbordement, à neuf heures la chaleur était déjà violente ; on nous fit descendre du remblai du chemin de fer en une colonne interminable
Francesco F. Nitti.
Rangés en colonnes par trois ou quatre, nous sommes partis à pied, sur un chemin de campagne, vers le Rhône.
Christian De Roquemaurel - 1986
Emplacement du train
Panorama de l'évasion de Dard
Alors que nous marchions en colonne par trois, des avions alliés nous ont survolés. Pendant que tout le monde, les S.S regardaient en l'air, j'ai pensé c'est le moment et je me suis précipité dans un fourré, légèrement en contre- bas ! je suis resté dans la position ou j'étais tombé ; je me suis bien gardé de faire un seul mouvement ; je crois même que j'ai retenu ma respiration ! J'ai entendu, pendant assez longtemps les pas de mes camarades et ceux des S.S. Je ne suis sorti de mon trou que longtemps après, alors que tout était bien calme. J'ai réussi à rejoindre un maquis dans l'Ardèche aidés par la famille Brun-Buisson de Roquemaure.
Marcel Dard - témoignage
Je n'ai pas traversé le pont du Rhône. Je me suis
évadé 100 m avant où a peu prés sans
l'aide de personne. J'ai eu de la chance.
Marcel Dard - témoignage - Bazet le 2 janv. 1990
Emplacement du TF : depuis le petit pont du chemin de fer (en haut de la photo où la voie disparaît à l'horizon) jusqu'à la sortie Nord de la tranchée SNCF. |
Tranchée SNCF : cette tranchée permis le passage des déportés sans être vus. |
Pont de Roquemaure (sur le canal). Fini de construire en 1842,
lieu de recueillement et de pèlerinage de nos déportés
et de leurs familles, en juillet 2005 il disparaissait en catimini
victime de l'ignorance.
Les deux ponts suspendus sur le Rhône et sur le canal.
Rescapés sur le pont de Roquemaure
1 | MIQUEL Jean | 15 | LACOUDE Renée |
2 | PIOCH Jean | 16 | LEVY Claude |
3 | MASIP Jaime | 17 | DIAZ Jean |
4 | de ROQUEMAUREL Christian | 18 | TOUREILLE Philippe |
5 | MACONE Damien | 19 | BRAFFMAN Marc |
6 | ROBINET Robert | 20 | LAFFONT René |
7 | ALVAREZ Ange | 21 | BUZZINGHIN César |
8 | CHAMPEL Raymond | 22 | SERRANO TROYAT J.P |
9 | ZANEL Amigo | 23 | CALLEJA Félix |
10 | VINCENT-BAUDY Ginette | 24 | REDONDO Antoine |
11 | TITONEL Nuncio | 25 | AUDION Robert |
12 | RAMOS-GRANGE Conchita | 26 | NARDONNE Damien |
13 | GIMENA Raphaêl | 27 | AUTER Jean |
14 | LEVY Raymond |
Photo du pont sur le Rhône vue du Vaucluse : le 19 août
1944, le lendemain du passage, un bombardement le détruisit
définitivement.
don Patrick Buisson
Recueillement d'élèves allemands en présence
de Mrs Serrano et De Puiniet (rescapés des camps), porte
drapeau Mr Queyranne sauveteur de Sorgues.
Survivants bordelais : René Lafond, Renée Lacoude,
Philippe Toureille, Ginette Vincent.
Rescapés Dachau ; Ravensbrück.